ACTIONS : Compte rendu de la maraude du 16 novembre 2024

Tout d’abord nous tenons à partager notre tristesse suite à la disparition de Délia  Buonomo qui, fin octobre 2024, à l’âge de 61 ans, quittait déjà son port d’attache.

Délia pour ceux qui ne l’ont pas connu était la Mama Africa italienne de Vintimille. Elle y tenait le Bar le Hobbit à deux pas de la gare. En 2015 elle avait décidé d’ouvrir sa porte aux femmes et enfants réfugiés (mais aussi les jeunes hommes avaient une main tendue). Les voir passer devant son établissement sans rien faire, l’avait décidé un jour. Il lui fallait les accueillir, un geste d’une incroyable humanité pour un établissement commercial.

A l’arrière du comptoir, deux petites pièces faisaient office de salle de repos, de salle de bain, de dressing et de salle de jeux pour les enfants. Un capharnaüm ordonné de caisses et de sac de denrées alimentaires, de produits d’hygiène et de jeux, que différentes associations* lui procuraient au fil du temps, contenaient notre modeste soutien à son action. En hiver on lui apportait les bons restes de repas distribués au parking le soir, qui étaient aussitôt redistribués par ses soins. Des centaines de personnes y ont trouvé refuge, pour quelques heures, chaque jour, et y ont trouvé un lieu de réconfort unique à Vintimille. C’était aussi la Tour de Babel, d’Italien, il était devenu multilingue avec surtout le langage des signes et de l’amour !  Et les infos circulaient on ne savait pas comment, mais les nouveaux arrivants descendus du train savaient souvent que non loin quelqu’un les attendait dès l’ouverture. Les humanitaires s’y retrouvaient pour leurs réunions, une autre modeste façon de soutenir Délia. Car par son humanité elle a finalement perdu son lieu de travail, les clients habituels ne venant plus, des difficultés juridiques et financières sur de longues années ont finalement été trop lourdes à porter. Et le bar a dû fermer, brisant son cœur à elle.

Au nom de nous tous, merci Délia d’avoir été là pour chacun d’entre eux, et pour l’exemple que tu as été pour nous tous. 

* notre association l’a également soutenue financièrement jusqu’en juin 2022, date de la fermeture définitive du Bar le Hobbit

Et voici le compte-rendu de  notre dernière maraude :

Une fois de plus, grâce à la générosité de nos donateurs et l’implication de nos bénévoles, nous avons pu organiser, samedi 16 novembre, une nouvelle maraude à Vintimille.

La collecte du matin s’est avérée fructueuse, ce qui nous a permis sans problèmes de préparer 100 sacs de victuailles, et de pouvoir également disposer de produits frais “en vrac” qui y ont été très appréciés.

Jean Pierre et Dominique, Frédéric et Emmanuelle ont confectionné le repas chaud, pâtes & légumes & saucisses, merguez … un régal, qui a été fort apprécié par les environ 80 migrants qui étaient présents à Vintimille.

Nous avons eu la chance de bénéficier d’une météo clémente : pas de pluie mais nous nous demandons comment les migrants supportent le froid dès le soir tombé.

Sur le parking, lorsque nous y arrivons, une dizaine de représentants des forces de l’ordre sont déjà présents.

Les migrants nous donnent quelques informations sur leur provenance : Erithrée, Soudan, Afghanistan, Pakistan, Africain du sud, Maroc, Tunisie, Ghana, Gambie. Beaucoup sont extrêmement jeunes, manifestement mineurs et/ou tout juste majeurs.

Les nattes, coussins, draps que nous mettons à disposition dès notre arrivée pour manger par terre sont immédiatement ramassés pour les emmener plus tard dans leur lieu de fortune. Il fait trop froid pour s’installer…

Nous leur distribuons, en complément de la nourriture, comme habituellement, des produits d’hygiène (il y en a assez pour tous), des sous-vêtements, des chaussettes, des écharpes. Il n’y a malheureusement pas assez de bonnets, pulls, pantalons, couvertures, pour tout le monde. Quelques-uns sont en claquettes et nous n’avons pas de chaussures !

Témoignage de Claude, notre soignant :

Derrière la croix rouge, ce soir, calme plat : Une dame souffrante, anémiée et très fatiguée, en provenance du Maghreb, des jeunes gens avec des dermatoses (dues au manque d’hygiène et au stress, peaux sèches (prévoir une crème type XeracalmA.D qui est le soin d’urgence par excellence). Pas de traumatologie cette fois.

Témoignage d’Ariane :

Ça y est le gel s’est invité, nous avons dû gratter la voiture avant de nous rendre à la collecte. C’est vous dire que nos amis de Vintimille doivent avoir froid.

Lorsque nous arrivons sur place, ils sont tous déjà prêts et nous attendent calmement en rang. Cette fois, environ quatre-vingt hommes, des anciens mais aussi de nombreuses nouvelles têtes, jeunes, certains viennent d’arriver. Ils n’ont pas de quoi se vêtir chaudement, certains n’ont même pas de chaussures…

La distribution s’est passée dans le calme. Au stand des vêtements, il a bien fallu en freiner quelques-uns qui auraient bien emporté plusieurs pièces, mais il en faut pour tout le monde.

Nous sommes repartis tôt. Personne ne s’est attardé pour manger son repas avec nous, ils ont préféré retourner sous le pont se mettre « à l’abri ». Le froid était déjà glaçant.

Merci à Veronique et Gérad pour la préparation de cette maraude.

Témoignage de Gérard T. :

Ce samedi le décor n’a pas changé : grand parking vide, exilés dispersés et en attente, cordon de forces de l’ordre qui papotent en bord de route.

Au fond l’autopont protège de la pluie et surplombe ce vaste terrain vague où les migrants s’installent avec des tentes, souvent sur des palettes en bois, ce qui permet aux rats de circuler sans les réveiller.

Je découvre une grande palissade grise nous isole de ce terrain et de ceux et de ce qu’il contient, sans doute posée après le passage des bulldozers qui avaient tout rasé.

A son nord pourtant il manque 3 mètres de clôture ; ça forme un trou noir ; de loin on dirait une porte qui n’est pas fermée.

Après leur repas, la quasi-totalité des migrants y passent ; ils disparaissent à nos yeux, ils disparaissent tout court. Invisibilisation de la misère.

Quand nous repartons le parking est vide et propre, les forces de l’ordre papotent toujours, et derrière la palissade, la Sur-Vie continue, continuons notre aide.

Témoignage de Frédéric :

Dimanche matin, lendemain de la maraude…Je me réveille au chaud dans mon lit. Le jour se lève sur ce parking froid… ma tête y est encore – pour combien de temps avant de reprendre sa petite routine de « nanti » ? Y a-t-il eu du vent cette nuit sous le pont de l’autoroute ? Il paraît qu’il revient aux nouveaux de dire quelques mots, mais que dire ?

Ils nous attendaient bien en ordre, je vois ces visages dignes, qui, pour la plupart, ont encore l’énergie de dire merci et de répondre brièvement à mon sourire entre deux propositions de shampoing, rasoirs, et autres.

Tous ces jeunes, nombreux – Soudanais, Érythréens ? – les plus jeunes, barbe à peine naissante, n’ont pas encore besoin de rasoirs ! Depuis combien de temps ont-ils quitté leur famille, leur mère ?

Certains hommes, néanmoins ne lèvent pas les yeux, je n’ose pas imaginer ce qu’ils ont traversé. Depuis combien de temps buttent-ils sur cette frontière ? Suffisamment, visiblement pour apprendre l’italien.

Deux femmes d’un certain âge se tiennent, hermétiques, à l’écart des hommes et attendent pour manger et glaner quelques couvertures.

Un homme mange à l’écart, invective la nuit en gesticulant… où a-t-il laissé sa tête ? Depuis quand ?

On nettoie le parking sous l’œil inexpressif des Carabinieris, de la Polizia et de quelques soldats F.M. en bandoulière. 

Sous la houlettes des plus expérimentés, dans la bonne humeur (merci à vous tous!), le démontage est aussi efficacement et rondement mené  que notre installation à l’arrivée… on sent bien que tout cela est  rodé depuis un moment !

Nous repartons pour la France dans nos voitures chauffées…


Les prochaines collectes et maraudes auront lieu le samedi 14 décembre 2024, organisées par Bernard Louis.


Si vous souhaitez participer à la collecte, à la cuisine, ou à la distribution à Vintimille (pour laquelle il faut être adhérent pour une question d’assurance), merci de le contacter par courriel avant le 30 novembre à l’adresse suivante : Bernard Louis b.louis.2@orange.fr

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