Une fois de plus, grâce à la générosité de nos donateurs et l’implication de nos bénévoles, nous avons pu organiser ce samedi 19 octobre notre dernière maraude à Vintimille.
La collecte du matin s’est avérée fructueuse, ce qui nous a permis sans problèmes de préparer 80 sacs de victuailles, et de pouvoir également disposer de produits frais “en vrac” qui y ont été très appréciés.
Shara a confectionné le repas chaud, riz & légumes & merguez … un régal, dont la recette est son secret, et qui a été fort apprécié par la cinquantaine de migrants qui étaient présents à Vintimille
Nous avons eu le plaisir d’accueillir Emmanuelle et Frédéric, pour leur première participation à une collecte & maraude.
Après les très fortes précipitations de ce derniers jours, nous avons eu la chance de bénéficier d’une météo clémente pour nous y rendre, tout en se demandant comment les migrants avaient pu supporter, alors qu’ils sont sans abris ni protection, la violence de ces dernières pluies.
Sur le parking, lorsque nous y arrivons, les représentants des forces de l’ordre y sont plus nombreux que les migrants. Il faut dire que celles-ci s’y sont largement déployées les jours précédents, les campements de fortune sous le pont ayant été détruits à coup de bulldozer, et leur accès interdit par la pose de grilles …
Toujours les mêmes méthodes pour intimider et maltraiter cette communauté de “survivants”, si fragile et si démunie.
Avant la distribution, Shara et Françoise ont pu déposer au local de notre partenaire Progetto 20K un stock de tentes, de vêtements chauds, de sacs de couchage et de couvertures, qui pourront être délivrés sur place aux migrants qui en ont besoin.
La distribution des repas a également été complétée par celle des produits d’hygiène, de vêtements, de sacs à dos et de couvertures.
Témoignage de Catherine :
Troisième maraude ce samedi 19 octobre et toujours autant de plaisir à retrouver l équipe et à accueillir des nouveaux arrivants comme Manu.
Cette fois ci, Bernard m’avait affecté à la distribution des repas chauds et avec Christiane nous avons formé un duo efficace (, enfin je pense) pour servir le délicieux repas préparé par Shara à base de riz, légumes variés et merguez.
Nos hôtes ont toujours autant apprécié l harissa rajouté quasi systématiquement.
Les migrants de nationalités diverses étaient moins nombreux que d habitude et semblaient plus enclins que d habitude à entamer le dialogue.
Après une distribution dans le calme et la bonne humeur, nous avons terminé par la photo habituelle de nos pieds réussie grâce à la participation d’un jeune migrant pakistanais venu à notre rescousse pour mettre le flash.
Tous ces sourires et ces remerciements au moment de repartir nous confortent dans l’idée de continuer ces missions riches en émotions et partages.
Témoignage de Félix :
Comme toujours très bien préparée – bravo Bernard – équipe bien agréable et très efficace. Peu de migrants, moins de 50 je pense.
A mon sens, peu de “passeurs” désoeuvrés, quelques travailleurs employés dans le secteur, plusieurs refoulés dublinés, j’ai reconnu quelques personnes en rade à Vintimille depuis des mois.
ement.
J’ai pu beaucoup échangé avec nombre d’entre elles. Une grande diversité d’origines, afghans, pakistanais, soudanais, somalien, érythréen, sénégalais, égyptiens, marocains, tunisiens, algériens, un jamaïcain.
Beaucoup d’inquiétude, de tristesse dissimulée mais palpable, histoires confiées d’errances, de menaces physiques, de traques, de quêtes toujours infructueuses de papiers, de travail, de log
Certains ont des papiers italiens mais ne peuvent trouver un emploi. Tous galèrent pour dormir, au long de la Roya derrière le grillage installé par les autorités avant la venue de Barnier et Retailleau, sur la plage, dans un squat etc.
Plusieurs parlent abondamment, ils “vident leur sac”, ils en ont besoin, ils me le disent.
Ce soir, les rats sont visibles jusque sur le parking!…
Oui, bien sûr, nous devons continuer les maraudes !
Témoignage d’Emmanuelle :
J’ai participé pour la première fois à la maraude du 19 .
Arrivés sur ce terrain vague ,endroit glauque qui à la tombée de la nuit devient le territoire des rats ,j’ai pu observer la mise en place avec une efficacité et une rapidité remarquable où chacun prend sa place .
Je garde en mémoire des visages hermétiques,d’autres plus ouverts ,des stigmates de souffrance dans les corps et les esprits , certains mutiques d’autres plus affables, des rencontres éphémères ,des mains qui se frôlent lorsqu’on tend un sac,des regards qui se croisent , des sourires ,parfois des rires qui s’échangent.
Il y a aussi des moments légers quand je pense à ce jeune Africain un sourire d’une oreille à l’autre me montrant le sac à dos qu’il avait choisi, à ce jeune couple assis au milieu d’un tas de vétements et de couvertures soulagés de pouvoir se couvrir.
Ce moment vécu est conforme à la représentation que je m’en faisais.Je n’avais pas d’attente particulière si ce n’est vivre ce moment pleinement et surtout entrer en résistance contre des positionnements de plus en plus durs que tout mon être rejette
Ce soir là une cinquantaine de personnes sont reparties avec un repas chaud dans le ventre, des vêtements pour affronter les premiers froids ,quelques antalgiques pour atténuer les douleurs du corps et je l’espère un peu d’humanité rendue.
Merci à vous qui m’avez si bien accueillie et témoigné tout au long de cette journée une attention bienveillante .
Témoignage de Bernard :
Cela faisait plusieurs mois que je n’avais pas participé à une maraude. Et cela a été de nouveau un choc. Un choc bienvenu, car il signifie que l’habitude ne s’est pas, ne s’est pas encore, installée, et que l’indignation demeure à chaque fois que je me rends à Vintimille. Je suis presque soulagé que celle-ci demeure intacte, car c’est elle qui nous pousse à continuer d’y agir.
La police nous y avait précédé ; sous le pont, elle est venue tout nettoyer, et les rats n’y ont plus rien à bouffer ! Elle est venue tout grillager, pour y interdire l’accès à ce lieu de vie, ce lieu de survie. Mais il est certain que les migrants y retourneront, sous le pont, leur seul lieu de relative liberté.
Peu de migrants ce soir, ce qui a été propice à de nouvelles rencontres, à des échanges plus approfondis que d’habitude.
Avec un jeune couple, afghans, parlant timidement le français, très poli, très précautionneux l’un envers l’autre, auquel n’ayant plus de tente disponible, je peux donner deux couvertures pour la nuit. Ils sont trimballés depuis un mois de ville en ville pour pouvoir déposer leur demande d’asile. En fin de soirée, très discrètement, ils avisent l’un de leur compagnon, très grand, pakistanais, avec lequel ils ramassent les déchets sur le parking ….
Avec ces deux amis, l’un très grand, pakistanais, l’autre plus petit, également afghan …
Avec ce jeune qui a séjourné 5 ans en Allemagne avant de se retrouver ici, à Vintimille, pour des histoires de papiers. Il souhaite un sac à dos et il attend patiemment que la distribution des repas soit achevée pour pouvoir l’obtenir, ce qui le ravit. Il insiste gentiment pour que je l’aide à passer en France, mais il comprend lorsque je lui explique que cela ne nous est pas possible de l’y aider. Au retour, lors du passage de la frontière, j’ai eu le coeur serré en pensant à lui : Il aurait été si facile de lui faire passer cette frontière absurde !
Avec ce jeune couple, si réservé lui aussi, mais qui finit par accepter, en fin de soirée, quelques sacs supplémentaires de denrées.
Mais impossible de communiquer avec ce vieillard, entrevu à notre arrivée sur Vintimille et qui a réussi à se trainer jusqu’au parking, qui paraît si épuisé, et auquel Catherine et Emmanuelle prodiguent quelques soins. Est-il arrivé au bout de son chemin ?
Et puis tous les autres, qui ne sont pas si nombreux ce soir, avec lesquels il a été possible d’échanger quelques mots.
Oui, une maraude bien tranquille ! Mais il ne faut surtout pas qu’on s’habitue à cette tranquillité qui n’est qu’apparente, même si elle a permis de vrais contacts humains. Beaucoup plus que d’habitude. Mais de quelle habitude ?
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